La municipalité de Boulens menace d’abattre des chiens

Un village où Médor doit faire truffe basse

La Municipalité de Boulens resserre les boulons auprès des propriétaires de chiens: pas de balade à plus de deux, pas d’aboiements répétés au risque de se faire abattre... De quoi faire grogner le vétérinaire cantonal.

Les dix ­huit propriétaires de chiens de Boulens, charmante bourgade du Gros de Vaud forte de 370 âmes, ont eu les babines qui tombent à la lecture d’un courrier signé de leur Municipalité. C’était à la mi­ novembre. Les amis de Médor y apprenaient que, «suite à des plaintes récurrentes concernant des chiens se promenant sans leur maître», le ton allait monter d’un cran au village. Voire de deux.

Les autorités en profitaient pour rappeler qu’«une personne ne pourra promener que deux chiens à la fois, même petits» et que, en cas d’aboiements répétés à l’intérieur comme à l’extérieur, la police pourra séquestrer le perturbateur à quatre pattes, «ou même l’abattre».

Tous à la niche! «Cette directive n’émane pas de l’Etat et n’a pas été validée par le Service de la consommation et des affaires vétérinaires», réagit Giovanni Peduto. Il est le vétérinaire cantonal.

La lettre des autorités de Boulens l’interpelle. Tout d’abord, pour ce qui est de la mesure qui voudrait qu’une personne ne peut promener que deux chiens en laisse à la fois, selon la terminologie «deux mains, deux chiens». «Cette formulation est ambiguë», assure Giovanni Peduto.

Car la loi sur les chiens fait la différence entre un propriétaire de chien et un promeneur. «Est considéré comme promeneur celui qui n’est ni le propriétaire ni le détenteur habituel d’un ou de plusieurs chiens qu’il se voit confier pour les promener», lit ­on à l’article 12a.

En clair, les propriétaires de chiens peuvent en promener en laisse autant qu’ils veulent.

Pour ce qui est des promeneurs par contre, «les professionnels» peuvent promener un certain nombre de chiens en fonction de leur formation.
Ce sont les promeneurs «amateurs» qui ne peuvent en promener que deux. «Il n’y a pas non plus de notion de chiens «même petits» dans la loi», s’étonne le vétérinaire cantonal.

Menace à peine voilée

Et surtout il y a cette menace à peine voilée de voir son toutou abattu par la police s’il est un dangereux récidiviste de l’aboiement.
«Le propriétaire est tenu de mettre en place toutes les conditions nécessaires, à l’intérieur comme à l’extérieur, pour que le chien n’aboie pas, y compris le dressage.
En cas de récidive, la police peut séquestrer un chien, ou même l’abattre», précise bien la Municipalité de Boulens. Tué pour un ouaf de trop? «On peut préconiser des cours d’éducation canine au propriétaire dans de telles circonstances»,

réagit le vétérinaire cantonal.
D’ailleurs, il ne voit pas de raison d’abattre un chien pour des seules raisons de nuisances, en l’occurrence sonores. «On n’en arrive à de telles extrémités que lorsque la sécurité publique est en danger, pour rétablir l’ordre.
Une telle décision est prise par l’autorité cantonale. Ou aussi en cas d’épizootie, si le chien est suspecté d’avoir la rage par exemple.
Mais pas pour des aboiements.» A noter que le code rural ou foncier prévoit également l’abattage d’un animal errant si celui­ ci présente un danger.

Un message à faire passer

«Quelle surprise quand j’ai reçu cette lettre! C’est une démarche tout de même extrême pour un village qui compte plus d’animaux que d’habitants.
On est à la campagne ici! Le syndic essaie de nous intimider. C’est totalement aberrant», témoigne un propriétaire de chien.
Alors quoi? Le syndic s’explique. «Tous les deux ans, nous rappelons les règles à la population. Mais là c’est vrai, nous avons haussé le ton à cause de chiens errants sur le territoire communal.
Et je l’assume. Boulens a non seulement beaucoup d’enfants au village, mais également beaucoup de

Boulens - Affaire canine

bétail puisqu’il a la chance d’être situé sur une zone de production de gruyère», avoue Christian Wenger. Sauf que sa lettre lui a valu quelques réactions virulentes de la part de propriétaires, notamment pour ce qui est de la menace d’abattage des chiens trop bruyants.
Il reconnaît aujourd’hui «un fâcheux raccourci». «C’est une erreur de ma part. J’ai pris exemple sur plusieurs cantons romands, alors que cette disposition n’est pas prévue dans le canton de Vaud.
Je vais d’ailleurs m’en excuser dans une prochaine lettre, mais la Municipalité avait à faire passer un message.»
Mission réussie! Médor peut redonner de la voix, doucement, au moins jusqu’à la prochaine remise à l’ordre des autorités dans deux ans…

Auteur : Laurent Antonoff 01.12.2016
Source journal on line 24 heures)