Tous les chiens sont des chasseurs
Le souvenir cuisant d’un chien en pension
- Où ? La forêt d’Aletsch, Patrimoine naturel mondial de l’UNESCO
- Qui ? Un magnifique border collie nommé Pablo
- Quoi ? L’inattention de son détenteur
- Comment ? À lire…
Passionnée de chiens, j’ouvre une pension privée pour chiens. Premier candidat : un certain Pablo. Au programme, une excursion à Aletsch avec ce border collie, jeune et « sportif ».
Petits tests avant de partir :
- Pablo, Retour ! – Ok, ça marche.
- Pablo, Assis ! – Parfait.
- Pablo, Au pied ! – Trop génial, il marche au pied.
- Pablo, Couché ! – Super.
Pas de souci donc pour une balade dans la nature. À la Riederfurka, l’hôtelier nous refuse tout d’abord l’hébergement parce qu’« il y a un chien », mais Pablo démontre qu’il est parfaitement éduqué, et nous sommes acceptés. Le lendemain, 5h. Prêts pour contempler le lever du soleil sur le Riederhorn.
Nous approchons de la réserve naturelle Pro Natura, en bordure du site UNESCO. Un magnifique sentier, baigné des châtoyantes couleurs automnales à l’aurore. Trop compliqué de garder Pablo en laisse sur ce chemin étroit. Je le lâche.
Il marche devant moi, se retourne sans cesse pour me garder dans son champ de vision. Nous respirons le bon air matinal, la quiétude… Soudain, un chamois ! Réflexe : Pablo, au pied ! Trop tard. Il avait flairé l’animal avant moi. Une fusée.
Je reste calme. J’appelle : Pablo, retour ! Il est à 50 mètres… puis 80. Puis plus rien. Il a disparu.
Que faire ? Garder son calme. Répéter l’appel. Encore. Encore. Mais je connais le ravin derrière le col. Pablo ne connaît pas le terrain. Et ce n’est même pas mon chien… Je suis biologiste. Je sais qu’on ne lâche pas un chien dans une réserve. Et je l’ai fait. Panique.
Je me lance à sa recherche. Je cours. J’appelle entre deux respirations : Pablo, retour. Pablo, retour.
Arrivée au col. Pas de Pablo. Je suis à bout de souffle. J’ai mal. Et les images défilent :
- Pablo a déroché, gît 400 m plus bas
- Pas de natel. Impossible d’appeler la Rega
- Comment expliquer ça au propriétaire ?
- Et si le garde-faune me verbalise ?
- Et en plein cœur d’une réserve naturelle…
Pas le temps de céder. Je continue à appeler. Pablo, retour. Encore et encore. Je trébuche, tombe sur le sentier. Et là, miracle : un chien, langue pendante, souffle court. Pablo. Il s’effondre à mes pieds. Épuisé, mais sain et sauf.
Mes amis me rejoignent. Nous redescendons. Pablo en laisse. Sur tout le chemin, il marche au pied. Docile. Calme. Indifférent aux chamois tout autour.
Conclusion : Tous les chiens sont des chasseurs, même les mieux éduqués. Depuis, ce sentier a un nom. Nous l’appelons le Sentier Pablo.
Un ange gardien veillait, ce jour-là. Pro Natura et l’UNESCO ne le savent pas encore… alors chut !
Ce que dit la loi
En dehors des localités (règlement communal), c’est la législation cantonale qui s’applique. En résumé :
Tout détenteur d’un chien doit être en mesure de le maîtriser à tout moment par un moyen sonore ou gestuel, en particulier en présence de public ou d’animaux.
À défaut, le chien doit être tenu en laisse et, si nécessaire, porter une muselière. Restent réservées les dispositions de la loi sur la faune.[Art. 15 de la Loi sur la police des chiens du canton de Vaud]
Auteur : Ilsegret Messerknecht