Utiliser l'odorat du chien pour détecter le Covid19
Recherche : Le vétérinaire Dominique Grandjean, à Paris, mise sur l'odorat des canidés pour dépister le Covid19.
Un peu excité, Oslo, le berger belge malinois tenu par ce pompier de Paris, flaire un à un trois récipients fixés au mur. Dans l'un d'entre eux, l'équipe du professeur Dominique Grandjean, de l'École nationale vétérinaire d'Alfort (Enva), a placé un coton imbibé de sueur prélevée sous l'aisselle d'un patient atteint de Covid-19.
Après un bref passage, le chien s'assied devant le deuxième contenant. Il vient de «marquer», comme disent les dresseurs. Bingo: il s'agit du bon échantillon, ce qui vaut au berger malinois une récompense.
Le chien est aussi un moyen bon marché pour identifier le coronavirus
Le malinois Oslo flaire un à un trois récipients fixés au mur. Dans l'un 'entre eux, l'équipe du professeur Grandjean a placé un coton imbibé de sueur prélevée sous l'aisselle d'un patient atteint du Covid-19.
Pour le moment, peu de canidés sont capables d'un tel résultat. «L'idée d'identifier les malades de Covid-19 n'a rien de farfelu, et nous entendons le prouver en appliquant un protocole très strict», explique Dominique Grandjean, vétérinaire directeur de la section petits animaux de ta célèbre école française.
«Aux États-Unis, à Auburn, en Alabama, des chiens ont été entraînés à identifier les vaches souffrant d'une maladie virale des muqueuses. Leur réussite atteint 98 pour cent. Je me suis dit qu'ils pourraient aussi repérer le coronavirus.»
Des cellules par millions
Dans le cadre du protocole de recherche Nosais, sur l'olfaction canine dans la détection de maladies, trois groupes se sont mis au travail, non seulement à Paris, mais aussi au Liban, à l'Université franco-libanaise, et en Corse, au sein du Service d'incendie et de secours de la Corse du Sud. «Nous devons redoubler de précautions, à cause de la dangerosité du Covid19», ajoute Dominique Grandjean. «C'est pourquoi nous travaillons toujours en collaboration avec les hôpitaux publics. Les cotons imbibés de sueur des malades sont exempts de virus. Nous nous donnons trois semaines pour vérifier les aptitudes du chien, ce qui correspond au dé-confinement en France, où il faudra massivement développer la capacité de dépistage.» Tout est encore à faire, à commencer par former ces nouveaux alliés, mais les espoirs sont grands.
Un chien, ça a du flair
220 millions de cellules olfactives dans le nez du chien, contre cinq millions chez l'homme. Chez les canidés, la zone de traitement des odeurs dans le cerveau atteint 10%, contre 1% seulement chez l'être humain. Cette finesse de détection sera d'un précieux secours. Même si l'échantillon de sueur prélevé n'a pas de coronavirus, l'odeur reste. Et les chiens utilisés dans les essais du professeur Grandjean sont des professionnels des odeurs. La plupart du temps issus d'équipes cynologiques des pompiers, ils ont l'habitude de flairer la sueur humaine pour retrouver des disparus.
«La plupart du temps, il s'agit de malinois, maïs n'importe quel chien peut le faire», ajoute le vétérinaire. «Leur nez est capable d'identifier un million de molécules olfactives. Pour eux, c'est un vrai organe de détection.» Il table sur un taux de réussite des chiens du programme Nosais de 85 à 95%, alors que la fiabilité d'un test PCR employé pour le coronavirus est de 70 pour cent. «Lors de la phase de dépistage massif, il n'y aura pas, en France, assez de capacité de laboratoire», ajoute Dominique Grandjean. «Le chien pourrait être une aide précieuse, notamment en croisant sort résultat avec celui d'une détection par PCR.
J'ai calculé que si l'on veut tester toute la population française deux fois pour le coronavirus, avec les capacités actuelles, il faudra deux ans et demi!»
Moyen bon marché
Le chien est aussi un moyen bon marché pour identifier le coronavirus. «imaginez les services qu'il pourrait rendre dans des pays qui ont peu de moyens de détection en laboratoire, parce qu'ils ne peuvent se payer de coûteuses machines», ajoute Dominique Grandjean. «En France et ailleurs dans le monde, il pourrait servir à identifier les porteurs du coronavirus dans les aéroports ou les arrivées de paquebots.» En Allemagne, en Norvège, au Canada, au Royaume Uni et aux Émirats arabes unis, de telles recherches ont cours.
Dans l'Hexagone, tous les départements peuvent intégrer le programme Nosais. En Corse, région très touchée par le coronavirus, Ayrneric Benard, vétérinaire, suit avec intérêt les essais réalisés avec cinq chiens, dont un de race locale Cursinu. «Nous venons de commencer l'étude super Visée par le professeur Grandjean. Il est important de ne prendre aucun risque. Les échantillons utilisés nous sont fournis par les hôpitaux d'Ajaccio.
Même si la sueur ne contient pas l'expression du virus, nous attendons entre 24 et 48 heures avant de les utiliser, afin d'éviter tout contact du chien avec le coronavirus.»
«Leur utilisation pourrait être utile»
Daniel Hagemeier connaît bien les capacités de flair des canidés. Directeur de la société Anoplophora Spürhunde Schweiz, il a participé à la recherche des capricornes asiatiques en Suisse, avec ses chiens. Il n'est pas surpris qu'ils puissent être capables de dépister l'odeur du Covid-19.
«On les utilise pour repérer différents types de cancer», explique-t-il. «Ils sont capables aussi d'identifier l'hypoglycémie, mais ils sont utiles aussi en cas d'épilepsie ou de maladies comme la malaria (Paludisme). La liste n'est pas exhaustive!» Beaucoup de ces exemples font encore l'objet de grandes études, car les taux de réussite sont généralement contestés. Par ailleurs, avec le Covid19, il s'agit d'une maladie transmissible qui requiert, selon lui, la plus grande prudence. «Cependant, il est maintenant clairement prouvé que les méthodes de détection avec les chiens renifleurs sont efficaces, là où les machines- par exemple les spectrographes de masse ou les appareils de mesure moléculaire et les humains ne peuvent plus rien détecter», ajoute-t-il. «Ce sont principalement les premiers stades des maladies qui sont visés. Vu que le coronavirus ne provoque dans certains cas aucun symptôme, la détection avec un chien, dûment formé et dont l'utilisation serait autorisée par les autorités sanitaires, pourrait être utile.»
«La route est encore longue»
Le suivi scientifique sera effectué par l'Université de Corse (Haute-Corse). Les chercheurs veulent savoir s'il est possible d'identifier des molécules olfactives que l'on ne retrouve que dans la sueur des malades de Covid-19. «Il faudra faire travailler les chiens avec un très grand nombre d'échantillons de sueur, conclut le vétérinaire. «La route est encore longue, mais nous nous sommes fixé la date du 20 mai pour évaluer. la fiabilité du chien dans ce dépistage hors du commun.»
Source : Article paru dans le journal papier Le Nouvelliste du 07-05-2020
Site web : www.lenouvelliste.ch
Autres sources même sujet:
LCI.fr / A quand les chiens renifleurs pour détecter les malades du Covid-19 ?
Bluewin.ch / Chiens entraînés à détecter une éventuelle odeur du Covid-19
20min.ch / Le Covid-19 semble générer une odeur spécifique que peuvent détecter des chiens spécialement entraînés
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