L’augmentation de canidés liée au Covid, leur manque d’éducation et les lacunes de connaissances des nouveaux maîtres inquiètent les professionnels du domaine.
«Les gens n’ont plus de respect. Ils ne maîtrisent pas leur animal. Les cacas, c’est la cata. Je ne suis pas tranquille lorsque je promène mon chien. C’est devenu stressant», rapporte Daphné. Depuis quelque temps, cette habitante de Veyrier constate une hausse des incivilités des maîtres de canidés.
Anne Chardonnens, éducatrice canine à Genève, confirme «à 300%» cette réalité qu’elle vit au quotidien. «Il y a une semaine, je travaillais avec un animal réactif au bord de l’Arve.
Un chien qui était lâché s’est approché en courant. J’ai demandé deux, trois fois à sa propriétaire de le rappeler. Elle m’a ri au nez et m’a répondu que c’était à moi d’aller ailleurs.»
«Il l’a mordu et ne voulait plus le lâcher»
Cette attitude «nombriliste» est une conséquence directe du coronavirus, assure la spécialiste: «Depuis un an, il y a une surpopulation de chiens. Beaucoup de gens en ont pris un pour tromper la solitude. C’est bien, mais il faut les éduquer.» L’an passé, le canton a enregistré la plus forte hausse d’adoptions de chiens depuis cinq ans. Leur nombre est ainsi passé de 30’188 en janvier 2020, à 31’322 cette année.
Vague d’abandons redoutée
Si l’année passée a été propice à l’adoption d’une boule de poils, les professionnels canins craignent des abandons en masse dès l’assouplissement des mesures de lutte anti-Covid. «Il s’agissait de décisions compulsives, pour combler un manque temporaire. Les gens n’ont pas réfléchi aux responsabilités sur la durée», regrette Blondine Monnard, qui prédit d’importants «dommages collatéraux».
Les morsures de chiens atteignent des records
Les annonces de morsure ont suivi le même chemin, atteignant un record en 2020, avec 391 cas signalés au Service de la consommation et des affaires vétérinaires. Anne Chardonnens en a fait la triste expérience, il y a un mois. «Mon chien s’est fait attaquer alors que nous étions en balade. L’animal lui a foncé dessus et l’a mordu. Après ça, il a verrouillé et ne voulait plus lâcher prise. J’ai dû l’étrangler pour le forcer à ouvrir la gueule», relate la professionnelle qui s’inquiète de la passivité de la maîtresse du chien. «À aucun moment, elle ne l’a rappelé. C’est pourtant la règle de base. Le pire, c’est sa réaction. Elle m’accusait pratiquement d’avoir agressé son animal, alors que le mien s’est retrouvé avec des traces de crocs dans le bas-ventre, qui a été entaillé. Si je n’étais pas intervenue, la fin aurait été beaucoup moins drôle», s’attriste la Genevoise.
«Chiens Covid» et méconnaissance des nouveaux maîtres
L’augmentation de ces comportements agressifs, Blondine Monnard, éducatrice canine au bout du lac et dans le canton de Vaud, l’attribue aussi au virus. «Avec le télétravail et l’absence d’activités, les nouveaux animaux sortent moins, ne sont pas sociabilisés. On en voit beaucoup dans nos cours. On les appelle les «chiens Covid». Adoptés durant la crise par des personnes sans connaissances, ils n’ont pas été dressés.» Elle relève d’ailleurs que le choix des nouveaux maîtres se porte souvent «sur des races à la mode, comme le staffie et le malinois. Des chiens qui ont pourtant d’importants besoins physiques et cognitifs, que le futur détenteur ignore souvent.»
Canton de Vaud épargné
«Je suis souvent en balade dans le canton de Vaud. J’y ai rarement des soucis, alors qu’à Genève, c’est compliqué», confie Blondine Monnard qui exerce dans les deux régions. Elle a d’ailleurs décidé de concentrer son activité au bout du lac «où il y a vraiment beaucoup à faire». Selon elle, l’existence d’une police des chiens vaudoise explique cette différence. «Il y a plus de vérifications dans le canton de Vaud», qui a lui aussi connu une importante vague d’adoptions en 2020. L’effectif total a dépassé pour la première fois depuis cinq ans les 58’000 bêtes.
Article papier Par Leila Hussein, journal 20Min Suisse du 22 février 2021