Il est plus facile de comprendre un chien qu’un homme

Comprendre le chien

Il est plus facile de comprendre un chien qu'un homme, plus facile aussi de l'aimer. Le chien est d'une intelligence désormais proverbiale ; il est incapable de dissimulation et de mensonge. Le chien est un saint, droit et honnête par nature.

Que me dit mon chien ?

Ruser pour survivre

Certes, on voit parfois apparaître chez un petit nombre de représentants de l'espèce quelques traces du péché originel ; mais il faut en accuser l'hérédité : les ancêtres sauvages du chien devaient, pour survivre, compter sur leur ruse. Toutefois, ces caractéristiques déplaisantes disparaissent lorsque l'animal fautif comprend enfin qu'il peut compter sur un juste traitement de la part de son maître ...

Son maître lui tient lieu de roi, et presque de divinité ; que ce dieu se montre sévère lorsque les circonstances l'exigent lui paraît normal, à condition que la sévérité $'accompagne de justice. Le chien sait que son maître peut lire dans son cœur, comme il peut lui-même lire dans le cœur de son maître, comprendre son humeur, prévoir ses décisions. Lorsqu'il gêne, il le devine, et il est capable de demeurer immobile pendant des heures aux pieds de son roi lorsque celui-ci s'absorbe dans une besogne quelconque. Mais que l'homme soit en proie à la tristesse ou à l'inquiétude, et le chien vient poser discrètement sa tête sur ses genoux. « Ne t'en fais pas ! semble-t-il lui dire. Que t'importe que le reste du monde t'abandonne? Je suis là, près de toi. Viens, allons nous promener et oublions tous tes soucis ! »

Le chien a-t-il peur de la mort ?

Quoi de plus étrange, quoi de plus pathétique, que le comportement d'un chien dont le maître est malade ? Mis en garde par son instinct infaillible, l'animal a peur de la maladie, peur de la mort ...

Le chien a-t-il une connaissance intuitive de la mort ? Certes, et sans doute plus que nous. Je me rappelle une pauvre femme d'Anacapri qui mourait lentement de consomption. La malheureuse avait pour unique ami un chien bâtard qui ne quittait jamais le pied du lit de la malade. Un jour où je passais par là, je trouvais dans la cabane Don Salvatore qui me demanda si je ne pensais pas que le moment était venu d'apporter les derniers sacrements à la malade. Celle-ci n'accusait aucun changement, son pouls était le même ; je répondis donc au prêtre que la pauvre femme tiendrait peut-être encore une semaine. Au moment où nous quittions la pièce, le chien sauta du lit d'un bond et, poussant un hurlement de détresse, alla se blottir dans un coin. De nouveau j'examinai la femme : son visage n'avait pas changé, mais son pouls était devenu si faible que j'eus du mal à le trouver. Elle fit un effort désespéré pour me dire quelque chose que je ne compris pas. Alors, levant son bras décharné, elle montra le chien. Cette fois, je compris ; je me penchai sur le lit et promis à l'agonisante que j'aurais soin de l'animal. Elle eut un hochement de tête satisfait ; ses yeux se fermèrent, et la paix de la mort détendit ses traits.

Cette femme venait de mourir d'une hémorragie interne. Comment le chien en avait-il été averti avant moi ? La pauvre bête fut seule à suivre le cercueil de sa maîtresse jusqu'au cimetière. Le lendemain de l'enterrement, Pacciale, le vieux fossoyeur, me prévint que le chien n'avait pas encore quitté la tombe. Il plut à torrents toute la journée et toute la nuit ; mais, au matin suivant, l'animal était toujours à la même place. J'envoyai Pacciale au cimetière avec une laisse et le chargeai d'essayer d'amener le chien à San Michele ; mais le chien, à la vue du fossoyeur, se mit à gronder en montrant les dents et refusa de bouger d'un pouce. Le troisième jour, je me rendis moi-même au cimetière et, au prix de maintes difficultés, je réussis à persuader la bête de me suivre jusque chez moi où elle vécut heureuse parmi mes autres chiens.

Ne jamais recourir à la violence

On peut dresser un chien à faire à peu près n'importe quoi, avec quelques encouragements proférés sur un ton amical, un peu de patience et un biscuit. Ne vous mettez jamais en colère, ne recourez jamais à la violence: infliger un châtiment corporel à un chien intelligent est une conduite indigne qui déshonore le maître et aussi une erreur psychologique.

 

Source papier : Courrier des bêtes No 504, Décembre 2021.
Texte par : par Axel Munthe, médecin, 1857-1949

Ma page Facebook : École d'éducation canine Messerknecht.

Crédit image : © 2022 photoSchweizer